


American Gangster
Réalisé par: |
Ridley Scott |
Avec: |
Denzel Washington, Russell Crowe, Chiwetel Ejiofor, Josh Brolin, |
Chronique par Cornwall (Stéphane Roger)
Au début des années 1970, la corruption policière atteint à New York un niveau historique. La guerre du Vietnam continue à faire des ravages, tant sur le front qu'à travers les États-Unis, et la drogue a envahi les rues. La mafia règne sur ce marché chaque jour plus prospère, et s'assure une quasi-impunité en «arrosant» généreusement juges, policiers et avocats.
C'est alors qu'entre en scène un modeste entrepreneur dont personne n'avait entendu parler : Frank Lucas. Lucas a vécu pendant vingt ans dans l'ombre du Parrain noir de Harlem, Bumpy Johnson, qui en fait son garde du corps et confident. Lorsque son patron succombe à une crise cardiaque, Lucas assure discrètement la relève et ne tarde pas à révéler son leadership, son sens aigu des affaires et son extrême prudence, en prenant pour auxiliaires ses frères et cousins et en gardant un profil bas. Inconnu de la police comme des hautes instances de la Cosa Nostra, Lucas organise avec la complicité d'officiers basés au Vietnam un véritable pont aérien et importe ainsi par avions entiers des centaines de kilos d'héroïne pure, qu'il revend à bas prix dans les rues de New York.
Tandis que Lucas amasse ainsi, en toute discrétion, une fortune colossale, l'inspecteur Roberts du NYPD enquête patiemment sur l'origine et le fonctionnement de ce marché parallèle d'un genre inédit, et fi nit par soupçonner l'insaisissable Frank Lucas. Une étrange partie de cache-cache commence alors entre ces deux solitaires perfectionnistes dont les destins seront bientôt inextricablement mêlés...
Une oeuvre grandiose au style maîtrisé et affuté qui, trois heures durant, reconstitue tous les axes dramatiques qui ont permis à un individu de réaliser son rêve Américain. Une violence brutale qui culmine lors de certaines scènes clés, mise en scène avec un brio sans cesse renouvellé. Une patine hollywoodienne, un rythme haletant, des propositions d'écriuture stylistique fortes et nuancées avec tact font de cette entreprise de Ridley Scott une réussite sans commune mesure. Angulaires et contrastés, les portraits se montrent toujours forts et massifs, loin de la simple vignette de circonstance, mais ce qui marque le plus durablement est sans conteste l'habileté native du cinéaste à projetter la fatalité sur des êtres choisis, au travers d'n exercice de mise en scène qui force très sincèrement l'admiration. Denzel Wahsington campe un personnage avide, et inscrit son rôle dans la tradition des Scarface et autres figures forgées sous le sceau de la légende.
A l'origine d'American Gangster est un article de Mark Jacobson publié le 14 août 2000 dans le magazine New York et intitulé The Return of Superfly. Le journaliste y donnait un compte-rendu de ses entretiens (avec Nicholas Pileggi, coscénariste des Affranchis et de Casino comme intermédiaire) avec Frank Lucas, trafiquant et pourvoyeur d'héroïne à grande échelle, chef de famille et figure charismatique de la communauté noire, qui revenait sur sa carrière de malfrat. Le titre fait allusion à Superfly, un monument de la Blacksploitation rendu célèbre par la chanson éponyme de Curtis Mayfield, monument qui aurait été inspiré de Frank Lucas lui-même. Universal acquit les droits de l'article l'année de sa publication, mais le projet fut mis en stand-by jusqu'à ce que Ridley Scott soit désigné pour le mettre en scène.
L'actrice Ruby Dee, qui a bien connu Harlem, résume bien l'époque abordée dans American Gangster et l'influence des fameux gangsters sur le quotidien : "L'époque dont traite ce film est encore présente dans ma mémoire. Les gangsters jouaient un rôle important dans notre communauté, ils y étaient pleinement intégrés. À Thanksgiving, deux ou trois jeunes venaient de leur part livrer la dinde traditionnelle aux habitants du quartier. À Noël, nous recevions des jouets. C'est seulement plus tard que j'ai fait le rapprochement entre ces actes de générosité, la pègre et les politiciens locaux." Cuba Gooding Jr., qui incarne l'un de ces gangsters, plus précisément le grand rival de Frank Lucas, raconte de son côté que "ces super-dealers étaient d'authentiques célébrités, au même titre que certaines de nos stars ou vedettes du sport. Ils entretenaient des liens étroits avec le peuple et les quartiers populaires."
Frank Lucas et Richie Roberts ont tous deux servis de conseillers techniques sur American Gangster, laissant Denzel Washington et Russell Crowe s'inspirer de leurs manières de parler et de leur gestuelles respectives. Ainsi, Denzel Washington passa de longs moments en compagnie du malfrat Frank Lucas, qu'il incarne sur grand écran, et lui offrit une voiture de luxe en guise de remerciement.
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L'image
Vous voilà à nouveau avertis: Ridley Scott a employé des techniques bien particulières pour concevoir le style visuel de son film. Une approche de l’image qui lisse ses textures, affaiblit les contrastes, offrant par là-même des images asséchées et peu détaillées, et ce dans le but de récupérer l’esthétisme des films de la période des seventies. Il s’agit donc de « film stocks » (types de pellicule) singuliers et dont le rendu ne brille aucunement en Haute Définition, pour la bonne et simple raison que tous ses avantages propres disparaissent lors du tournage dans de telles conditions. Il en résulte une image plate et affaiblie, à la gamme chromatique filtrée et désaturées, aux teintes urbaines peu saturées, et à la définition très moyenne, comme écorchée et vidée de sa teneur. Pas de détail éclatant à l’horizon, et pas de textures HD si sophistiquées. Il ne s’agit pas là de défauts à proprement parler, juste d’un type de filmage au rendu spécifique à des intentions originelles de création dramatique, que le format Blu-Ray restitue à la perfection, mais au travers d’images affadies et ‘faiblardes’ pour qui a l’habitude de standards plus élevés. On ne sera donc pas étonnés de découvrir un degré de détail appauvri, aux images lisses et peu soyeuses. Les contrastes, quant à eux, se montrent ad hoc mais ne bénéficient pas d’un pouvoir de couverture adéquat. Les échelles de gris se montreront elles aussi légères, et la plupart des noirs se voient retranscris en tant que gris foncés, sans réelle palette expressive. La température colorimétrique y apparaît relativement froide, désaturée, grisaillante. Peu enclin aux exploits, ce Blu-Ray constitue néanmoins un événement dans la mesure où les intentions de Scott sont préservées par un encodage VC-1 d’une fluidité exemplaire, sans défaut numérique réel, et qui jouit d’un bitrate avantageux sur les deux versions fondues en une seule via la technique du ‘seamless branching’. Certains plans rapprochés ou gros plans se montreront néanmoins plus séduisants et détaillés, mais la vivacité des images répond aux abonnés absents, exception faite de quelques séquences moins filtrées (poursuites). Terne et appauvrie en texture et matières, l’image offerte ici est présentée dans des conditions luxueuses, mais ne manquera pas de décevoir l’essentiel des spectateurs. Faites en sorte qu’il ne s’agisse pas de votre premier Blu-Ray… Ceci étant, l’encodage se montre précis et nuancé, et ce qui, d’apparence terne, se pose en défaut se révèle être l’émanation des visions du cinéaste perfectionniste. A noter que les deux versions du film bénéficient du même soin technique, et se montrent indiscernables, outre quelques lenteurs de la part du lecteur Blu-Ray qui recalcule en permanence l’ordre des séquences allongées et des scènes rajoutées.
Le Son
Nous accordons bien volontiers notre rare Diapason d’Argent à cette bande-son, fidèle en tout points aux habitudes perfectionnistes du cinéaste Anglais. Là où le HD-DVD et le DVD ne proposaient que des bande-son encodées en Dolby Digital 5.1 inexpressif et réservant l’univers acoustique du film sur l’arc frontal, cette piste DTS-HD Master Audio (que nous exploitons en DTS EnCore, DTS Plein Débit à 1509.75 Kbps) représente une révélation de clarté et de montage audio. Pétillante, soyeuse, pénétrante et extrêmement ouverte, elle constitue la pierre d’achoppement du film et offre des textures surround très développées et un sentiment d’ambiophonie rempli de teneur et de prestance. La scène arrière est convoquée en quasi-permanence, et l’ensemble de la bande-son jouit d’une réponse en fréquence extrêmement détaillée (n’ayons pas peu des mots), qui autorise les hautes fréquences à jaillir du ‘plenum’ sonore du film avec agilité et directionalité, lui offrant une teneur réaliste et un gigantesque poids dramatique. Ample, généreuse et vivace, la bande-son se revivifie en permanence, et propose un univers sonore cohérent et détaillé, large et dimensionné, englobant et raffiné.
La scène frontale s’y montre brillante et claire comme du cristal, avec une mise en place de la triphonie aux petits oignons. Très ouverte, expansive et à la mobilité expressive constante, elle s’impose comme un modèle de rigueur expressive et de poids cinématographique. Les dialogues en particulier sont retranscris de manière magique et idéale, voire ‘idéelle’ : moteur dramatique et dramaturgique, ils occupent le canal central avec une clarté sans pareil, une hauteur et une justesse physiologique comme on en entend peu. Détaillés et circonscrits avec soin, ils proposent un rendu Hi-Fi presque stylisé dans son approche, principalement lorsque l’on fait monter les décibels. L’intégration dans le reste de la scène frontale se fait avec une bonhomie qui laisse sur le carreau, et qui permet presque de redécouvrir son enceinte centrale, d’éclairer le rendu de sa zone médium, et de révéler son potentiel de dynamique immédiate. Les attaques sur la scène avant sont franches et rapides, et l’ambiophonie triphonique fonctionne à merveille au cœur de ce dispositif stable et cohérent, au très haut pouvoir dynamique. Le moindre détail est audible sur les trois voies, avec un rendu vif et très nuancé. Ce haut pouvoir de représentation est en partie du à un design sonore de premier ordre, qui autorise tous les canaux à briller et à s’exprimer afin de vêtir l’univers acoustique du film d’une robe de naturalisme et de réactivité réaliste. La hauteur du son, sa transparence, tout y est réuni pour composer une bande-son fidèle et claire, contrastée, animée de formidables intentions et d’un pouvoir de conviction souverain. Un tel potentiel cinégénique est finalement rarement entendu, là où d’autres bande-son se voient compressées, réduites, au pouvoir expressif diminué à cause de considérations techniques que nous dénonçons régulièrement. Ici, chaque son et chaque bruitage participe d’une logique de vérité, et offre une clarté saisissante, une envergure frappante, une teneur pleine et savoureuse. La réponse en fréquence, luisante de réalisme, se montre idéale et généreuse sur tous les points du spectre audibles, avec des basses profondes, et un registre medium étendu et suave.
La dynamique atteint des sommets lors de la brève mais marquante scène de démantèlement de l’atelier, vers la fin du long-métrage. N’hésitez pas à faire monter les décibels, la bande-son soutient la cadence avec une belle agilité, et ce sera l’occasion de libérer une bonne dose de la réserve expressive de votre matériel dont une telle bande-son a grand besoin pour encore davantage impressionner. En outre, la scène arrière, pourtant éteinte sur d’autres éditions, du aux limitations du codage Dolby Digital, se montre elle aussi pétrifiante de naturel et confondante de réalisme. Stupéfiante, elle est régulièrement sollicitée, et élargit la perception de manière sensible et profondément marquante. Les ambiances urbaines de la Grande Pomme ou encore les scènes dans la jungle Thaïlandaise se montreront ouvertes au possible, avec des raccords avant-arrière de tout premier choix, preuve d’un mixage idoine. Qu’il s’agisse d’ambiances d’une netteté éblouissante (extension de la réponse en fréquence vers las canaux surround, une des spécialités du codec DTS depuis toujours) ou de placements d’effets stéréophoniques arrières tracés au rasoir, la scène arrière saura élargir et diversifier la scène sonore du film, lui offrant une ampleur expansive et très mobile, toujours avec ce même sentiment de netteté et de transparence accrues. Elle se montrera extrêmement mobile et aussi nuancée que les lieux de tournage (plus de 125 au compteur). Elle reproduira l’acoustique des lieux avec une agilité sans faille, et proposera une extension harmonique gracieuse et bienvenue aux diverses musiques qui émaillent le film, notamment lors des visites dans les night club. La partition est régulièrement projetée sur la scène arrière, et certains tubes de l’époque sonnent comme s’ils avaient été enregistrés hier, avec une teneur fréquentielle d’un grand professionnalisme, d’une netteté orchestrale là aussi stupéfiante. Le fonctionnement simultané de tous les canaux y est également fréquemment employé (scènes dans quelques aéroports où l’ambiance arrière s’envole littéralement, soutenue par un arc frontal très réactif), avec des caractéristiques de mixage lumineuses et savamment équilibrées. L’activité multicanaux se montre redoutable en toutes circonstances, et cette bande-son propose des pics d’activité parfois monumentaux, à l’image de l’attaque (presque) finale sur l’atelier de drogue. En de pareilles occasions, le mixage s’offre des prestations de haut vol, une intelligibilité maximale, et une activité multicanaux qui confinerait presque à l’anthologique.
Enfin, ajoutons que le codec DTS y est particulièrement à son avantage : générosité dans la distribution, ampleur conséquente, force et habileté à coordonner les événements acoustiques, précision exemplaire, réponse en fréquence endiablée, cohérence d’ensemble…
Une savoureuse et pétillante réussite, sur tous les registres audibles, que nous vous conseillons chaudement. A écouter, de préférence, avec un volume placé cinq bons décibels plus haut qu’à l’accoutumé histoire de révéler encore plus le potentiel expressif de l’architecture acoustique de ce mixage.
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Interactivité |
Un menu classique, pas de bande-annonce en préprogramme, un menu sonorisé en 5.1 qui sonne comme de la banale stéréophonie. Cette fois-ci, la fonction U-Control est bel et bien présente, tout comme la fonction "Mes Scènes" , plus développée et plus réussie que chez d'autres éditeurs, et qui vous permet de placer des signets lors de la lecture du film, ou de créer vos propres clips préférés en sélectionnant le point de départ et le point terminal. Visiblement, ces scènes son conservées dans le lecteur, même lors de l'insertion d'un autre disque. Idéal pour cataloguer ses 'instants démo'.
A noter que la fonctionnalité U-Control nécessite un lecteur Blu-ray au profile 1.1.
Aucun supplément n'est présenté en HD 1080i. Il s'agit pour la plupart de SD en 4/3 et Dolby Digital 2.0, outre le documentaire central, présenté en 16/9, mais avec un bitrate tout sauf généreux...
- Commentaires audio de Ridley Scott et autres membres de l'équipe (Dolby Digital 2.0)
-Scènes inédites dont un début alternatif.
- "La Chute d'un empire": making-of monumental aussi passionnant que le film, dune durée de 78 minutes. Nous y découvrons les personnages réels de Frank Lucas et Rochie Roberts, aujourd'hui plus âgés, et devenus amis, et leurs interactions avec les acteurs qui les campent. D'innombrables images de tournage émaillent ce document passionnant de bout en bout, ségementé en six parties thématiques. A ne rater sous aucun prétexte.
- Les Dossiers de l'affaire
-Deux courts documentaires télévisuels.
-Deux clips vidéos
- Bande-annonce cinéma
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